vendredi 1 mars 2024

Ode au Haggis

Le 25 janvier, tous les foyers écossais ainsi qu'un bon nombre d'expatriés partout dans le monde célèbrent donc la Burns Night. A cette occasion, on sort sa plus belle vaisselle, son kilt et pour certains sa cornemuse et l'on se retrouve pour un bon dîner en famille ou entre amis. Le cérémonial est partout le même : discours, prières et dégustations de whisky se suivent jusqu'à l'entrée en scène du héros de la soirée, le haggis.

Robert Burns et le haggis sont intimement liés depuis que celui-ci écrivit le poème Address To A Haggis en 1786.

Voici le texte original :

Fair fa' your honest sonsie face,
Great chieftain o' the puddin'-race!
Aboon them a' ye tak your place,
Painch, tripe, or thairm:
Weel are ye wordy o' a grace
As lang's my arm.

The groaning trencher there ye fill,            
Your hurdies like a distant hill;
Your pin wad help to mend a mill 
In time o' need;
While thro' your pores the dews distil
Like amber bead.

His knife see rustic Labour dight,
An' cut ye up wi' ready sleight,
Trenching your gushing entrails bright 
Like ony ditch;
And then, O what a glorious sight,
Warm-reekin', rich!

Then, horn for horn they stretch an' strive,
De'il tak the hindmost ! on they drive,
Till a' their weel-swall'd kytes believe
Are bent like drums;
Then auld guidman, maist like to rive, 
'Bethankit' hums.

Is there that o'er his French ragout,
Or olio that wad stow a sow,
Or fricasse wad mak her spew
Wi' perfect sconner,
Looks down wi' sneering scornfu' view
On sic a dinner?

Poor devil! see him owre his trash,
As feckless as a wither'd rash,
His spindle shank a guid whip lash,
His nieve a nit:
Thro' bloody flood or field to dash,
O how unfit!

But mark the rustic, haggis-fed,
The trembling earth resounds his tread!
Clap in his wallie nieve a blade,
He'll mak it whissle;
An' legs, an' arms, an' heads will sned,
Like taps o' thrissle.

Ye Pow'rs, wha mak mankind your care,
And dish them out their bill o' fare,
Auld Scotland wants nae skinking ware
That jaups in luggies;
But, if ye wish her gratefu' prayer,
Gie her a Haggis!

Et la traduction en français par Roger Dachez :

Salut à toi, mon brave, mon cher,
Chef suprême du clan des puddings !
Au-dessus d'eux prends ta place,
Boyaux, tripes, andouilles :
Tu mérites bien une prière
Aussi longue que mon bras. 
 
Tu remplis le plateau sous ton poids,
Telle une colline tes flancs s'étirent,
Ta broche ferait le mât d'un moulin
S'il le fallait ;
Tandis que de tes pores transpirent
Des perles ambrées.

Le rude paysan essuie sa lame,
Et te tranche d'un coup de main habile,
Taillant dans tes entrailles luisantes qui dégoulinent,
Comme dans une tranchée ;
Puis, oh ! Quel spectacle somptueux !
Quel riche et chaud fumet !

Puis, à coups de cuillères ils te vident avec ardeur ;
Le Diable emporte le plus timide, ils y vont tous,
Jusqu'à ce que leurs ventres rebondis
soient gonflés comme des barriques ;
Et que le maître de maison, prêt à roter,
Souffle l’action de grâce

Y en a-t-il un, penché sur son ragoût français,
Ou sur un de ces plats huileux à écœurer une truie,
Ou sur une de ces fricassées qu’elle vomit
Avec dégoût,
Qui ose contempler avec mépris, le nez levé,
Un tel dîner ?

Pauvre Diable ! Regardez-le d'ailleurs, face à ces plats puants,
Mou comme un roseau flétri,
Avec des mollets maigres comme cordes à violon,
Des poings gros comme des noisettes,
Pour un bon combat sanglant sur la terre ou la mer,
Si peu doué !

Mais vise notre gars plein de haggis,
La terre tremble sous ses pas !
Mets-lui des lames au bout des bras,
Et il les fera siffler ;
Faisant voler jambes, bras, têtes
Comme autant de fleurs de chardon !

Et Vous, Puissances qui veillez sur l'homme,
Et qui régentez son manger,
La Vieille Ecosse ne veut pas de ces pitances liquides
Qui clapotent dans une soupière ;
Mais si vous voulez ses prières reconnaissantes,
Donnez-lui un haggis !